lundi 27 avril 2015

ecrit d'invention

J’étais perdue dans mes pensées. Ma journée avait été éprouvante, en particulier à cause de mon dernier cours, celui du jeune Clément Fournaux. Quel imbécile alors sapristi, après 6 mois de cours ne pas savoir jouer ses gammes, c’est un comble !                                                                                                                                                     La lenteur du service m’agacait .La chaleur était insupportable, et j’attendais mon absinthe avec impatience. Il y avait un grand brouhaha, les glaçons teintaient dans les verres, et les roues des voitures sur le boulevard n’arrangeaient pas les choses. Le café était plein, trois ouvrières sirotant leurs limonades par ci, deux hommes qui avaient la trentaine par-là, deux bourgeoises accompagnées de leurs maris dégustant leur café ici.                                                                                                                                                                             
    Mon observation fut arrêtée par le serveur qui  m’avait amené mon absinthe. A peine la bouteille posée, je me servis un verre. J’ai versé de l’eau sur le sucre puis j’avalai une gorgée puis une deuxième, puis une troisième. J’étais soulagée, ces premières gorgées étaient une libération, et un sentiment de bien-être m’envahit.  Je finis mon verre et je me resservis. Je fus soudainement prise d’une mélancolie .Allais-je continuer à enseigner à des imbéciles toute ma vie ? Devrais-je chaque soir ingurgiter cette boisson afin de me soulager ? La bonne humeur qui régnait dans le café accentuait mon malaise. J’étais à nouveau perdue dans mes pensées. Mais le bruit des pièces de monnaie retentissantes dans la caisse attira mon attention et me fit reprendre le fil de ma pensée.
 J’aperçus un homme. Il portait beau .La cambrure de sa taille et sa façon de friser sa moustache était semblable à celle d’un militaire. J’avalai un verre entier puis je levai la tête vers lui. Lorsque la caissière  lui rendit sa monnaie de cent sous, il se dirigea  vers la sortie. Bigre cent sous, c’était peu. Malgré son complet en mauvais état, il gardait une certaine élégance qui ne pouvait laisser penser de lui qu’il était pauvre. Avant de sortir, il jeta un regard rapide et circulaire, un de ces regards de jolis garçons, qui s’étendent comme des éperviers .Son visage m’était familier, il éveillait en moi un sentiment amoureux et passionné comme si cet homme faisait partie de moi, de mon passé. Est-ce l’absinthe ou une réelle impression de déjà vu ? Je m’empressai de payer et je le suivis. Je devais en avoir le cœur net ! En sortant je le vis s’arrêter net, je m’arrêtai également. Il avait l’air de penser. A quoi ? Je voulais bien le savoir. Ma tête se mit à tourner, la chaleur dans le boulevard devint suffocante. Il se mit en route, je le suivis. Il marchait la poitrine bombée, les jambes un peu entrouvertes comme s’il venait de descendre de cheval ; et il avançait brutalement dans la multitude de la rue, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route .Il inclinait légèrement sur l’oreille son chapeau haut de forme assez défraichi, et battait le pavé de son talon. Il avait l’air de toujours défier quelqu’un, les passants, les maisons, la ville entière. Il marchait à vive allure et j’avais du mal et le suivre car le boulevard était plein de monde. Malgré le sentiment irrépressible envers cet homme qui m’envahissait et me pousser à continuer, je commençais à fatiguer. Il prenait de l’avance sur moi, je n’arrivais plus à suivre le rythme, mes forces m’abandonnaient.
  Je ne saurais donc jamais qui était cet homme et pourquoi un sentiment si fort s’était éveillé en moi en le voyant dans le café. Je m’arrêtai pour reprendre de l’air puis je levai la tête, il avait disparu. Attristée par cette perte, je repris le chemin du café. L’absinthe m’avait fait halluciner et était la cause de cette filature , me persuadai-je. Arrivée dans le café, je m’installai à la même place et je commandais une nouvelle bouteille d’absinthe. La nuit allait être longue …

07bce537e5359b9f04490410bc470e30.jpg « La buveuse » de Toulouse Lautrec. 1887, toile, 47.1*55.5 cm.


SAHELI ALEXANDRE 2nd

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