mardi 12 mai 2015

Sujet d'imagination 203

Le voilà qui prend sa monnaie et s’apprête à se diriger vers la sortie, tandis que moi je le regarde d’un air songeur en buvant cet absinthe qui me brûle les poumons et m’enflamme la gorge. Je finis par me mettre à tousser et croyant avoir attiré son attention, je continue en exagérant ma toux. Après ce jeu puéril, je décide de m’arrêter, me rendant compte que cela lui est indifférent. Il finit par sortir tandis que moi je reste là, le regardant s’avancer sur le boulevard avec une démarche sans doute d’ancien sous-officier, les jambes un peu entrouvertes comme s’il venait de descendre de cheval, la poitrine bombée. Il a d’ailleurs un certain charme avec sa moustache retroussée et son chapeau à haute forme, un peu défraîchi. Il semble être habillé d’un complet de soixante francs mais il en en garde tout de même une certaine élégance. Il me fait pensée au mauvais sujet des romans populaires avec sa grande taille, ses cheveux blond et frises naturellement. Je peux même dire que si j'avais été plus jeune, j'aurais sûrement eu l'audace d'aller l'aborder. Cependant, à chaque pas qu'il fait, je sens  en moi une irrésistible en vie d'aller le voir et de plonger mon regard dans le sien et boire tel une jeune et innocente jeune fille, les quelques paroles qu'il accepterait sûrement de m'échanger. Il fait partie des rares hommes qui m'ont interpellée en aussi peu de temps. Cet homme restera sûrement un bon moment dans ma misérable mémoire.                
Au bout d’une demi-heure, après avoir fini mon absinthe, je me décide à gagner le boulevard. Dehors, tout en marchand, je regarde ce paysage que je connais si bien. Il y a d’abord ces appartements où les cheminées crachent cette fumée noire qui envahie le ciel et le rend sombre. Ces mêmes immeubles où se côtoient les bourgeois et les ouvriers. Il y a aussi, dans ces rues, de nombreux fiacres qui semblent être réservés aux riches et des omnibus que fréquentent les ouvriers. Les trottoirs, eux, sont remplis de toutes sortes de personnages, ceux dont la vie leur a été favorable, et ceux qui nagent dans la misère.
  Après avoir erré un long moment dans la rue, Notre-Dame-de-Lorette je me dirige vers le pont de l’Alma afin de pouvoir respirer un air plus frais car le temps à cette époque de l’année dans les rues de Paris  est irrespirable. Je vois apparaitre soudain une jeune fille de seize ans, elle semble gênée et anxieuse. Elle me rappelle moi à son âge et je revois alors le jour de mes seize ans, jeune, ne connaissant encore rien de la vie, sinon qu’elle s’écoulait tranquillement à Paris, ma ville natale. Je surprenais cependant déjà sur mon chemin, en les croisant, le regard intéressé des hommes qui parfois ce permettaient même de me contempler. Ca ne me déplaisait point.  Puis je grandis, j’eus alors mes premier amour et bien vite épousai un homme de famille modeste. Il finit par devenir ivrogne et je dus alors donner des cours de musique afin d’arrondir mes fins de mois. Je vieillis vite et perdis l’envie de me peignée, me négligeai, utilisai le même chapeau poussiéreux et me vêtis de vieilles robes usées. 
Une heure plus tard, sortis de mes pensées, finis par me retrouver au pont de l’Alma, je songe aussitôt à cet homme que j’avais aperçus au restaurant. A cet instant précis, je revois son visage et sa corpulence et me dis à quel point cet homme était beau avec son ensemble et à quel point j’étais passé au coté de ce bel homme en restant assise à ma table. Je finis par prendre un omnibus et m’avance vers le boulevard Saint-Germain afin de donner mes cours à de riches bourgeois qui me considéraient comme un  être inférieur et sans importance, mais aussi comme un être dont l’âme et la joie sont parties depuis longtemps.
Arrivée face à l’immeuble, le concierge vient m’ouvrir. Je monte au deuxième étage. Lorsque j’entre, un morne découragement m’envahit mais je ne peux reculer. Ces deux garçons en bas âges à qui je donne cours ne comprennent guère ce que je leur inculque mais cela m’est indifférent. Cependant, ce qui m’amuse est cette manie qu’ils ont à de se défier et  se dévisager  lorsque l’un d’entre eux passe au piano.
Au bout de deux heures, après m’être presque  endormie à force de les entendre répéter la même mélodie, je m’étire en ronronnant comme un chat. Cela est devenue presqu’une habitude. Je finis par me lever, je salue mes élèves qui me font signe de la main en guise de remerciement. Dehors, il commence à faire nuit. On parvient presque à distinguer quelques étoiles scintillantes dans le ciel indigo. Tout en longeant le boulevard Saint-Germain,  je me demande comment ma vie se serait passé si j’avais eu le courage de parler à ce garçon ou si au lieu de devenir professeur de musique, j’avais eu le courage de me battre pour mon avenir, qui sait j’aurais peut-être put forger mon esprit et devenir une femme respectée.

Je marche à grand pas, gagne le boulevard extérieur et le suit jusqu’à mon logis. Ma maison, haute de cinq étages, contient dix-huit ménages ouvriers et bourgeois. Je sens en montant les escaliers, sales où traînent toutes sortes de choses tel que des déchets ou de vieux tissues usés que je peu voir en éclairant avec des allumettes, une sensation de dégoût et une hâte de retrouver mon cher moi. Mon petit logis, au quatrième étage, donnant sur un vieux restaurant. Après m’être installé, je fais un petit soupé que nous mangeons dans le silence  puis je par me déshabille et moi et mon époux partons nous mettre au lit où mon corps engourdi s’enflamme jusqu’à s’endormir dans les bras de mon bien aimé.  

Gustave Caillebotte,  le pont de l'Europe, 1876 (huile sur toile), Musée du Petit Palais Genève


dimanche 10 mai 2015


Ecrit d’invention
C’était une de ces soirées d’été de 1885 ou l’air manquait dans Paris. Après avoir fini mon cours de piano pour ces terribles minots, je voulus me soulager avec une bonne absinthe au restaurant de l’Antic.   Assise à cote de mon très cher ami Paul qui était toujours habillé d’un complet de trente francs, je sirotai mon absinthe tout en discutant avec lui. Je lui racontais mon angoisse : celle de perdre mon travail ; ma peur : que je n’ai plus assez pour venir manger ici avec lui, ma fatigue quand je terminai mon cours de musique et mon agacement  pour ces gosses qui ne comprenaient rien de ce que je faisais ; pour eux c’était trop dur. Paul fit de même en me parlant de sa vie de misère et qui empirait chaque jour. Nous restâmes là à discuter  jusqu’au moment ou un homme capta mon attention.
 Il payait la caissière. Toutes les femmes avaient levé la tête vers lui : trois petites ouvrières et deux bourgeoises avec leurs maris que je trouvais toujours ici. Elles n’étaient point du tout discret. Je les entendais dire qu’il portait beau et qu’il avait une pose d’ancien sous-officier. Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, il sortit du restaurant. J’ai dit à Paul de m’attendre, que j’allais revenir tout de suite car la tête de cet homme me disait quelque chose.
 A peine sortie, je sentais les égouts qui soufflaient, leur haleine empestée, les miasmes infâmes des eaux de vaisselle et des vielles sauces. Lorsque cet homme fut sur le trottoir, je le vis demeuré immobile durant une minute. Ensuite, il cambra sa taille et frisa sa moustache d’un geste familier et militaire. Il était habillé d’un complet poussiéreux mais il gardait une certaine élégance tapageuse. C’était un grand  blond châtain vaguement roussi, avec des yeux bleus et des cheveux frisés naturellement.
Je me demandais ce qu’il attendait sue ce trottoir. Je voulus alors aller lui  parler. Tout à coup, il se mit à descendre la rue Notre-Dame de Lorette, la poitrine bombée, les jambes un peu entr’ouvertes comme si il venait de descendre de cheval  avançant brutalement en cognant les gens comme si la rue lui appartenait. Il se sentait supérieur à eux. Cela me rappelait de plus en plus quelqu’un dont j’avais oublié le nom. Je marchais derrière lui tout en essayant de me souvenir de son nom pour l’aborder.
Je remarquais les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, qui fumaient la pipe sous des portes cochères. Les passants allaient d’un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main. Soudain je me souvins de son nom : Georges. Il faisait partie de la même division que mon mari.

 Une grande foule sortit du théâtre, je criais son nom sans cesse. Je le vis ne pas se retourner et je le perdis dans la foule alors qu’on était arrivé au boulevard. Je décidai donc de faire demi-tour et de retourner au restaurant.
Un bar aux Folies-Bergère (96 cm x 1,30 m)

Un bar aux Folies Bergère est un tableau réalisé par le peintre Édouard Manet au début des années 1880. Il s'agit de la dernière œuvre majeure de Manet avant sa mort 

samedi 9 mai 2015

Ecrit D'invention



J'étais assise seule dans le café, je choisissais toujours la même place un peu à l'écart des autres. Je me sentais mal, je commençais à ressentir ma douloureuse rupture. Cela m'attristait. J'appelai la serveuse et lui demandai de me servir un verre d'absinthe pour essayer d'oublier la douleur. J'observai la pièce, le café était calme, il n'y avait presque personne, la luminosité de la pièce était faible. Les murs en briques étaient si vieux que lorsqu'on les touchés ils s'effritaient.
D'un coup mon regard tomba sur un beau garçon, il me semblait être un sous officier lorsque j'apperçoi ses gestes et ses postures. Il portait un chapeau à haute forme défraîchi, un vieux costume, ce qui me laissa croire qu'il était pauvre. Mais malgré ce fait, il gardait une telle élégance que je ne pouvais que l'admirer. Il était grand, bien fait, blond, la moustache retroussée, des yeux bleu épanouissant, des cheveux frisés naturellement. Il me faisait penser aux mauvais sujets des romans, un peu trop parfait à mon goût.
Je commençais à me poser des questions... Pourrai-t-il être mon futur amant? Une des trois petites ouvrières assise sur le banc à ma droite me regarda et dit: « Qu'il est beau garçon celui là! J'ai remarqué la façon dont vous le regardez ». Je n'ai même pas pris le temps de lui répondre que je me levai pour essayer de le suivre car il se leva lentement, le dos droit et se dirigea vers la caisse dignement.
Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce, il sortit rapidement du café. Lorsqu'il fut sur le trottoir, il demeura quelque instant immobile, je pensai donc qu'il ne savait pas quoi faire, il me semblait indécis. Il se mit a descendre le long du boulevard des Italiens, je le suivais discrètement, bien loin de lui. La rue était remplie de monde, des omnibus par ci, des fiacres par là. On entendait le bruit des sabots de cheval résonner sur les pavés du boulevard.
Il avançait brutalement dans la rue, heurtant les épaules, poussant les gens, comme s'il n'en avait rien à faire, il voulait simplement continuer sa route. Soudain, il se tourna comme s'il sentait que quelqu'un le suivait. Il regarda derrière lui. Cependant je me suis immédiatement caché derrière un kiosque de journal. La ville était chaude comme une étuve, Les gens se bousculaient entre les boulevards, je sentis alors la forte chaleur m'étouffais, une mauvaise odeur envahie mes petites narines. Au milieu de la rue, se trouvait des calèches tirés par de gros chevaux. Près de moi, se trouvait un omnibus, sur le toit les passagers qui payer le moins étaient assis avec une triste mine, rêvassant. L'un d'entre eux coupa le chemin entre lui et moi, j'essayer d'aller de gauche à droite autour du véhicule pour essayer de passer mais rien à faire, c'était trop tard... Je l'avais perdue de vue...
Café-Concert
Edgar Degas - Femmes à la terrasse d'un café 1877



 J'ai choisi cette image car elle me fait penser à la maîtresse de musique dans Bel-Ami, tout d'abord car dans l'oeuvre on voit qu'elle boit un verre d'absinthe comme sur l'image, qu'il y a peu de gens dans le café, on peut supposer que les trois femmes sont les trois petites ouvrière. On voit aussi qu'elle est pensive. De plus on peut observer le boulevard à l'extérieure. Cette image a donc beaucoup de liens avec cet incipit.

Layan

jeudi 7 mai 2015

Ecrit d'invention

SENE                                                                                                                                  13/04
              Marie B.
              2nde


Initiation à l’écrit d’invention





Référence : www.impressionniste.net/van_agostina_s.jpg (au café du Tambourin 1887) de Van Gogh


                   J’étais assise au café des Italiens, un lieu où rodaient les alcooliques comme moi. On me servait mon breuvage, le serveur était venu pour la quatrième fois me remettre une absinthe. Je buvais ma boisson au goût amer et sucré qui m’emportait dans une affreuse tristesse qui me rappelait ces moments passé avec mon amant Nicolas.
Je me plongea dans mon absinthe à la joie comme à la tristesse qui me guettait. Ce Nicolas m’avait quitté après quatre merveilleuses années de purs bonheurs sans aucun  motif. Je savais qu’il m’avait laissé pour une autre, une de ces pauvres catins sans cœurs. « Ne lui ai-je pas suffis ? » – Je ne savais plus. Une triste mélodie retentissait au coin de ma tête et me rappelait tous ces cours de violons que je donnais aux enfants. Prof de musique, je n’arrivais même plus à différencier le la du sol et le do du ré. L’absinthe m’emportait vers de nouveaux horizons, les êtres autour de moi m’observaient. Dans leurs yeux, je voyais un regard de jugement sans doute à cause de mes vêtements qui en disaient beaucoup de mon porte-monnaie comportant que quelques pièces de faibles valeurs.
J’étais coincée entre quatre vieux murs, dans une pièce poussiéreuse et étouffante, il faisait chaud et je ne respirais pas très bien. L’odeur du confit de canard qui venait de passer sous mes yeux me montait au nez et un grand vide s’installait. Je décidai de regarder derrière moi lorsque j’ai aperçu un homme. Il se levait et se dirigea vers la caisse. C’était un homme jeune au physique parfait, blond aux yeux bleus et je ne pouvais plus détourner mon regard. Il était vêtu sombrement, d’un chapeau, d’un costume noir et je ne voyais que lui dans cette petite pièce.
Autour de moi rien ne comptait sauf cet inconnu vêtu d’un costume noir. « Mais qui était-il ? » - me demandai-je. Il avait sorti de son porte-monnaie une pièce de cent sous avec une telle aisance, la donna à la caissière qui lui rendu la monnaie.
J’étais plongée dans ses beaux yeux bleus quand il marcha vers la porte de sortie puis quitta le restaurant. Aussitôt je me levai, laissai quatre pièces pour payer ce que j’avais consommé sur la table et me mis à le suivre. Je voulais le connaître, lui parler. Je marchais derrière lui tout au long du Boulevard des Italiens, le bruit abondant de personnes pressées, le bruit grinçant des fiacres sous ce temps chaud étaient insupportables.

L’homme que je suivais, marchait vite en allongeant le pas. De l’autre côté du boulevard, un peintre observait  la foule pour pouvoir reproduire la scène, j’observais les alentours, je remis en place mon chapeau qui ne faisait que bouger. Quand l’homme du café des Italiens décida de se retourner puis surprise, ce n’était pas lui. Mon homme que je suivais désespérément avait disparu. Je me mis alors à le chercher, je me dirigeai à gauche, puis à droite, je me retournai, je regardais dans toutes les directions mais aucunes traces du monsieur. J’étais atteinte par une vague d’émotions, et rattrapée par une énorme tristesse. Je me souvenais de ma mésaventure avec Nicolas et c’est ainsi s’était achevée une horrible journée.

mercredi 29 avril 2015

Ecrit d'invention (réécriture)

Je ne sais pas depuis combien de temps, je fixe mon verre. Une demi-heure, trois quarts d’heure ? Je ne peux dire. J’ai découvert ce matin que mon amant me quitte. Quel imbécile ! Il se marie dans cinq jours avec une de ces bourgeoises naïves qui croient au coup de foudre. J’entends, déjà mon père dire : « Je te l’avais dit ! ». Oui, ce jour-là, je l’avoue, je me suis comportée comme une fillette en faisant la sourde oreille auprès de mon père, pour suivre mon amoureux. A l’époque, il me promettait le mariage, autant d’enfant que je voulais et une belle maison. Tout ce dont rêve une jeune fille. Il a dû utiliser cette technique pour envoûter cette fille, mais moi j’ai ouvert les yeux et j’ai compris qu’il n’y a que l’argent qui intéresse les hommes.
Je lève les yeux et adoucis les traits de mon visage. Je ne voudrais pas que les clients de ce café me prennent pour une ivrogne. Le café est assez petit, avec très peu d’espace entre les tables et surtout, bondé.  Les conversations se mêlent et accentuent cette chaleur étouffante d’une fin de journée de juin.
« Ha, ha, ha ! Oui, quel dommage. Mais il serait bien pour ta fille, Catherine. », dit une femme à ma droite. «  Tu as raison, mais j’aurais préféré ce beau jeune homme dans mon lit ! », lui répond son amie.  Je reste bouche bée, ces ouvrières devraient songer à la rude journée de travail qui les attend demain ou comment  nourriront-elles  leurs mioches.
« Qu’il porte beau, malgré son complet de soixante francs et son chapeau haute forme défraîchis !» reprend la première, « Certes mais avec cette élégance, qu’importe qu’il soit riche ou pas. », déclare à nouveau sa camarade.
Intriguée et agacée, par leur indiscrétion, je suis leur regard pour voir de quelle personne il est question.
 Assis à la table en face de moi, un homme boit un bock de bière. Je ne peux détacher mes yeux de lui. C’est cheveux sont blonds et frisés, séparés par une raie au milieu de son crâne. Ses yeux bleus et sa moustache retroussée, de la même couleur que ses cheveux, lui donne ce charme auquel  ne résiste aucune femme. Il me fait penser au mauvais sujet des romans populaires.
Il finit son verre et se dirige vers la caisse. Il est assez grand, il marche la poitrine bombée et les jambes légèrement arquées comme s’il venait de descendre de cheval. Le tout, associé  à ses gestes militaires, montre qu’il a sans doute appartenu à l’armée. En observant cet inconnu, je vois mon ancien amant, Albert qui est sous-officier. Lui aussi a l’habitude de marché le buste relevé pour se donner un air fier et courageux. Il faut absolument que je me sorte ce traître de la tête. Revenons à notre étranger.
 Après avoir payé sa boisson, il se dirige vers la porte mais s’arrête dans l’encadrement. Il hésite, ne sachant sûrement où aller et regarde les femmes passées avec un regard intéressé comme s’il était à la recherche d’une rencontre amoureuse. Il sort du café et je décide de  le suivre. Il faut que je découvre qui est cet homme. Je suis seul maintenant et le peu d’argent que me font gagner  les cours de musique ne me permettront pas de vivre correctement. De plus, cet homme a tant de point communs avec Albert que je peux les confondre. Nous pourrions bien nous entendre.
 A mon tour, je sors du café. Cette soirée est vraiment étouffante, aucun vent frais ne souffle dans la rue. Je me demande même s’il ne faisait pas moins chaud dans le café. La nuit vient juste de tomber et je peux voir de loin Pierre, mon cousin, qui allume les réverbères. C’est son métier, tous les soirs, il les allume et  le matin, les éteint, un part un. Il me salue d’un geste de la main. Je le lui rends avec un sourire.
 Derrière mon chère cousin, je peux apercevoir ces appartement dont les cheminées laissent échapper une épaisse fumée noire, qui en s’élevant dans les aires cachent les étoiles. Une file d’omnibus vide  passe sur le boulevard, ils doivent surement rentrer aux garages.
 Maintenant, je me concentre. Je ne dois pas perdre de vue mon inconnu. Il avance brutalement dans la rue en bousculant les personnes qui ont le malheur de se trouver sur son chemin. Le boulevard est assez animé durant l’été. Les gens aiment bien se promener dans la rue pour ressentir la fraîcheur du soir, même si aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Le bruit des voitures mêlé aux  conversations des gens forme un énorme chahut, presque insupportable.
Je le suis toujours à travers les rues, mais en passant devant un théâtre, une énorme foule surgit de ses portes. Comme à chaque fin de spectacle,  c’est la folie. Les gens se précipitent et se bousculent, pour avoir une voiture, sans se soucier d’écraser les autres. Après quelques minutes, un cortège composé de calèche et de fiacres traverse la rue et vont ramener leurs occupants chez eux. Je me fraie, avec beaucoup de mal, un passage à travers cette meute de chiens excités, qui n’ont pas réussi à se trouver un transport. Je ne vois plus que le chapeau défraîchis de mon inconnu, ce qui m’inquiète car je ne veux pas le perdre.
Toujours en suivant le chapeau, je quitte enfin cette foule, et je respire. Il me faudra me laver en rentrant, je suis toute collante, de transpiration. Je déteste cette sensation. Fatiguée par cette rude journée, je me décide enfin à l’interpeller. Je lui donne une petite tape sur l’épaule mais lorsqu’il se retourne, je vois un vieil homme barbu qui doit avoir au moins soixante-dix ans. Ce dernier me lance un regard contrarié. Par politesse, je  m’excuse auprès de lui.

Déçu d’avoir perdu ce beau jeune homme, je décide de rentrer chez moi. Si je n’ai pas réussi à découvrir qui était cet étranger, cela doit être le destin. Un jour, peut-être, je rencontrerais mon âme sœur et je me marierais.



Dans le bleu, Amélie Beaury-Saurel, 1894

lundi 27 avril 2015

ecrit d'invention

J’étais perdue dans mes pensées. Ma journée avait été éprouvante, en particulier à cause de mon dernier cours, celui du jeune Clément Fournaux. Quel imbécile alors sapristi, après 6 mois de cours ne pas savoir jouer ses gammes, c’est un comble !                                                                                                                                                     La lenteur du service m’agacait .La chaleur était insupportable, et j’attendais mon absinthe avec impatience. Il y avait un grand brouhaha, les glaçons teintaient dans les verres, et les roues des voitures sur le boulevard n’arrangeaient pas les choses. Le café était plein, trois ouvrières sirotant leurs limonades par ci, deux hommes qui avaient la trentaine par-là, deux bourgeoises accompagnées de leurs maris dégustant leur café ici.                                                                                                                                                                             
    Mon observation fut arrêtée par le serveur qui  m’avait amené mon absinthe. A peine la bouteille posée, je me servis un verre. J’ai versé de l’eau sur le sucre puis j’avalai une gorgée puis une deuxième, puis une troisième. J’étais soulagée, ces premières gorgées étaient une libération, et un sentiment de bien-être m’envahit.  Je finis mon verre et je me resservis. Je fus soudainement prise d’une mélancolie .Allais-je continuer à enseigner à des imbéciles toute ma vie ? Devrais-je chaque soir ingurgiter cette boisson afin de me soulager ? La bonne humeur qui régnait dans le café accentuait mon malaise. J’étais à nouveau perdue dans mes pensées. Mais le bruit des pièces de monnaie retentissantes dans la caisse attira mon attention et me fit reprendre le fil de ma pensée.
 J’aperçus un homme. Il portait beau .La cambrure de sa taille et sa façon de friser sa moustache était semblable à celle d’un militaire. J’avalai un verre entier puis je levai la tête vers lui. Lorsque la caissière  lui rendit sa monnaie de cent sous, il se dirigea  vers la sortie. Bigre cent sous, c’était peu. Malgré son complet en mauvais état, il gardait une certaine élégance qui ne pouvait laisser penser de lui qu’il était pauvre. Avant de sortir, il jeta un regard rapide et circulaire, un de ces regards de jolis garçons, qui s’étendent comme des éperviers .Son visage m’était familier, il éveillait en moi un sentiment amoureux et passionné comme si cet homme faisait partie de moi, de mon passé. Est-ce l’absinthe ou une réelle impression de déjà vu ? Je m’empressai de payer et je le suivis. Je devais en avoir le cœur net ! En sortant je le vis s’arrêter net, je m’arrêtai également. Il avait l’air de penser. A quoi ? Je voulais bien le savoir. Ma tête se mit à tourner, la chaleur dans le boulevard devint suffocante. Il se mit en route, je le suivis. Il marchait la poitrine bombée, les jambes un peu entrouvertes comme s’il venait de descendre de cheval ; et il avançait brutalement dans la multitude de la rue, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route .Il inclinait légèrement sur l’oreille son chapeau haut de forme assez défraichi, et battait le pavé de son talon. Il avait l’air de toujours défier quelqu’un, les passants, les maisons, la ville entière. Il marchait à vive allure et j’avais du mal et le suivre car le boulevard était plein de monde. Malgré le sentiment irrépressible envers cet homme qui m’envahissait et me pousser à continuer, je commençais à fatiguer. Il prenait de l’avance sur moi, je n’arrivais plus à suivre le rythme, mes forces m’abandonnaient.
  Je ne saurais donc jamais qui était cet homme et pourquoi un sentiment si fort s’était éveillé en moi en le voyant dans le café. Je m’arrêtai pour reprendre de l’air puis je levai la tête, il avait disparu. Attristée par cette perte, je repris le chemin du café. L’absinthe m’avait fait halluciner et était la cause de cette filature , me persuadai-je. Arrivée dans le café, je m’installai à la même place et je commandais une nouvelle bouteille d’absinthe. La nuit allait être longue …

07bce537e5359b9f04490410bc470e30.jpg « La buveuse » de Toulouse Lautrec. 1887, toile, 47.1*55.5 cm.


SAHELI ALEXANDRE 2nd

vendredi 24 avril 2015

Ecrit d'Invention

Ecrit d'invention

J'étais perdue dans mes pensées, noyant mes souvenirs dans l'absinthe et m’effaçant dans les rumeurs et les odeurs de ce vieux café aux murs jaunis et délabrés. J'étais assise au fond de cette salle étroite, où je pouvais voir aussi bien les passants au travers des fenêtres sur ma droite que les cuisiniers s’affairant à la tâche à ma gauche. Je pouvais suivre des yeux la seule serveuse du restaurant se faufilant entre les tables pour apporter leurs commandes aux quelques clients et voir la caissière lire Le petit journal. Je pris mon verre et me servis un fond d'absinthe, puis je pris la cuillère trouée et posai un sucre dessus avant d'y verser lentement l'eau froide. Je remuai légèrement avant de commencer à boire. Le bruit incessant des conversations du petit peuple se perdait dans ma boisson et ne devenait plus qu'un bourdonnement lointain, mes souvenirs envahissant mon esprit.
Je me souvenais de feu Arthur Chaste, mon mari. Mort il y a seulement quelques semaines dans un accident d'omnibus, c'était un homme maladroit mais toujours attentionné. Il ne manquait à personne, excepté à moi. Il était fils unique de parents décédés et ses patrons l'avait déjà remplacé en engageant un autre valet...
En entendant discuter trois ouvrières, assisses deux tables plus loin, sur leurs conditions de vie misérable, je songeai à la mienne. Professeur de piano, enseignant aux enfants de classe bourgeoise dans les premiers étages de ces immeubles haussmanniens chics et modernes que seuls ces gens de la haute peuvent se permettre ; l'ironie voulait que je vive dans un petit appartement rustique et passé de temps, légué par mon mari et gagnant juste assez pour survivre. Je poussai un soupir et commençai à me resservir un autre verre quand la porte du café s'ouvrit faisant rentrer le brouhaha du dehors : un homme plutôt jeune ferma la porte et les bruits des sabots et des roues des voitures sur les pavés, les cris des marchands de journaux, les pleurs des enfants capricieux... tous ces bruits crispants s’atténuèrent et ne devinrent plus qu'une mélodie lointaine que couvrait celle du café.
L'homme regarda tout autour de lui, semblant ignorer les regards féminins posaient sur lui. Il avait l'air indécis mais gardait tout de même une certaine prestance et un certain charisme. Le café n'était pourtant pas plein et offrait de nombreuses places à l'inconnu. Il avait vraiment un charme particulier et une élégance rare, grand, bien fait, les cheveux blond-châtains vaguement roussis avec une moustache retroussée qu'il frisait tandis qu'il cherchait une place. Ses yeux bleus clairs se posèrent sur une table près de la fenêtre, non loin de la mienne et d'un pas militaire, il rejoignit la place qu'il s'était attribuée. Je reconnaissais ce pas si particulier car voilà maintenant près de trois années que mon jeune frère, Jean, s'était engagé. De plus, l'homme avait ce regard, le même que celui de mon cher cadet, ce regard qu'ont ceux qui reviennent de ce pays si loin aux coutumes si différentes, l'Algérie. Je me plaisais donc à imaginer que l'inconnu avait rencontré Jean et qu'ils avaient sympathisé.
Il s'assit en posant son haut de forme défraîchi sur la table, me laissant le plaisir de l'admirer. L'idée qu'il n'avait pas sa place ici commençait à s'installer dans mon esprit. Je l'imaginai plus aisément dans un grand restaurant, une dame bien habillée, une coiffe splendide ornant sa tête, des bijoux resplendissants, tenant son bras et je me surpris à rêver que se serait moi, riant avec lui, rougissant à certaines de ses remarques.... L'odeur de la viande et des légumes cuisinés me sortit de mon rêve. La serveuse apporta son plat à cet homme qui attirait toutes les convoitises. Quand avait il passé commande ? La femme, plutôt vieille, déposa l’assiette devant lui, il la remerciât prestement sans un regard. Il mangeait lentement, savourant son repas le dos droit, toujours l'air fier.
J'entendis les ouvrières assisses non loin de moi discuter de notre bel inconnu. Elles lui trouvaient des airs de mauvais sujet d'un roman populaire qu'elles avaient lu... J'ignorais que de tels gens savaient lire ! Je cessai de m’intéresser à leur conversation quand leurs remarques devinrent ridicules et grotesques. En reportant mon attention sur l'homme, une multitude de questions m’assaillirent. D'où venait il ? Avait il une femme ? Des enfants ? Où vivaient-ils ? Que faisait il pour gagner sa vie et pouvoir nourrir sa famille ? Avait-il vraiment rencontrer Jean ? Lui avait il parlé de moi ? Mais la plus importante de toute qui revenait sans arrêt... Quel était son nom ?
Je pris mon verre et le finis d'un coup sec. Je commençais à ressentir les effets de la fée verte. Ma tête était brumeuse et lourde, mes membres engourdis. Il me semblait voir mon cher époux se tenir devant moi, mais je savais qu'il ne pouvais pas être réel. A travers lui, je vis le bel homme s'essuyer le coin de la bouche avec un mouchoir grisâtre, prendre son haut de forme et se lever vers la caisse pour payer. Je voulais le suivre, mais mon mari me jeta un regard désapprobateur. Je voulais juste en savoir plus sur l'ami de mon frère, il n'avait pas à s'inquiéter. Il sortit, je me levai et Arthur me lança un regard d'avertissement. J'attrapai ma bourse, il se mit au travers de mon chemin. Je fermai les yeux et expirai doucement, ma tête tournant légèrement. Je murmurai une excuse à mon mari et lui passai au travers. Son illusion s'en alla dans une brume claire. Je payai avec empressement et sortis rapidement du café, mon jupon me gênant dans mes mouvements brusques. En ouvrant la porte, la chaleur moite de ce mois de Juin m’écrasa, je suffoquai dans mes vêtements, le vacarme incessant des grands boulevards m'assaillit, ne m'aidant pas à me concentrer. Je crus apercevoir mon bel inconnu de l'autre côté de la rue, je voulais crier son nom mais ma voix se bloqua dans ma gorge. Que devais je crier ? Qui devais je appeler ? Je ne connaissais pas son nom.... Alors, ignorant les principes de bonne conduite d'une femme, je relevai mes jupons laissant entrevoir mes mollets et me mis a courir vers lui, vers mes rêves, Arthur se mit devant moi les bras écartés comme s'il eut voulu m’arrêter mais je le traversai facilement.
« ATTENTION ! »
Je tourne la tête vers la droite, un omnibus, je ne peux pas l'éviter.